Interview du Capitaine mustapha Adib.
Propos recueillis par Noureddine Jouahri
Maroc Hebdo N°804 du 05 au 11 Septembre 2008
 

(Article en PDF)

 

Question N°1 : Vous avez publié une lettre ouverte où vous racontez vos problèmes. Pourquoi maintenant et quels en sont les véritables destinataires ?

Tout d’abord ce ne sont pas des problèmes que j’ai évoqués dans ma première lettre, et ce n’est pas non plus une demande d’aide ou de pitié que j’ai émise comme il s’est laissé entendre récemment. J’ai publié des faits précis qui concernent « l’incapacité de Mohamed VI, son entourage ainsi que le gouvernement à me rendre justice avant, pendant, et après le procès de la honte où j’ai été condamné à deux ans et demi de prison injustement », « le non respect de promesses qui m’étaient faites, et les difficultés qui y ont résulté » et « les manipulations de certaines gens des services secrets marocains ». Après, si des plumes malintentionnées veulent détourner le but de ma lettre, en profiter pour traduire des passages comme « moments difficiles » par des « problèmes », voire « de la misère », du « désespoir », ou je ne sais quel autre portrait noir, c’est leur affaire et ça ne me gène pas du tout. Car la lettre est disponible sur le site Internet : www.adib.fr, et n’importe qui pourra y revenir pour lire ce que j’ai dit. Après une longue attente, et avant de procéder au dépôt d’une plainte contre le maroc, j’ai souhaité rappeler au public et à qui de droit l’injustice que j’ai vécue sous le règne de Mohamed VI, tout en les mettant au courant de quelques faits que j’ai jugés nécessaires de rendre publics.

 Question N°2 : Dans vos déclarations à Jeune Afrique et à Al Ayam, vous distribuez les bons et les mauvais points à d’éminentes personnalités marocaines et Fouad Ali El Himma est le plus attaqué de tous. Pourquoi cet acharnement ?

Tout citoyen a le droit de juger et de critiquer toute personne impliquée dans sa condamnation et les injustices qui y sont rattachées, peu importe que ces personnes soient éminentes ou pas. Quant à Ali El Himma, j’ai dit qu’il est responsable de l’éclatement de mon affaire et de l’injustice que j’y ai subi, aussi bien avant, pendant ou après le procès. Même s’il était le plus concerné et le proche de Mohamed VI qui suivait le dossier, il ne demeure qu’un maillon dans une longue chaîne où corrompus, arrivistes et affairistes trouvent leur compte. El Himma s’est servi de beaucoup d’affaires d’injustice pour se faire une jolie carrière. C’est dommage qu’il ait choisi de procéder ainsi au moment où les marocains croyaient en Mohamed VI et ses collaborateurs. Ce n’est pas un « acharnement » que je fais, mais des reproches légitimes.

 

Question N°3 : Le Prince My Hicham et Driss Basri ne trouvent pas non plus grâce à vos yeux pour des promesses financières non tenues, dites vous…

Comme vous le savez, j’ai eu droit à beaucoup de dégâts que m’a causé le marco (prison, destitution sans retraite, dépenses énormes, amendes, interventions pour ne pas retrouver du travail, etc.) Plusieurs années après, Basri et Moulay Hicham m’ont promis une aide rapide pour commencer une vie sereine. Mais ils ne ont pas respecté leur engagement me laissant à mon tour ne pas tenir parole aussi. Et le non respect de telles promesses, précises de surcroît,  au lieu de résoudre des difficultés, il en cause d’avantage et met les personnes dans des situations délicates car elle s’engagent auprès d’autres personnes ou organismes et passent à la fin pour des gens sans paroles. Ces aides étaient plus une réparation partielle et une reconnaissance que de « l’argent facile » comme avancé par les fameux organes de presse.

 
Question N°4 : Mais dix milles dollars de la part de My Hicham pour financer vos études, ce n’est tout de même pas mal…

Hormis le degré d’exactitude des éléments de votre question, je réaffirme mon étonnement quant au retrait de My Hicham, alors que sa démarche était libre et volontaire. Pour information, le coût des études en France peut aller de la gratuité à plusieurs milliers d’euro, notamment pour les MBI et certains Mastères Spécialisés. Mais je n’en dirais pas plus.

 
Question N°5 : Mais pourquoi My Hicham et Basri voulaient-ils vous aider et en contrepartie de quoi ?

Comme j’ai dit, pour refaire une vie sereine. Il y voyaient peut être une sorte de réparation, de sympathie ou de reconnaissance. Choses que devraient faire le maroc, mais a omis de le faire pour faute de courage du régime marocain.

 
Question N°6 : De quoi vivez-vous et comptez-vous rentrer au Maroc, maintenant que votre exil en France semble plutôt intenable ?

Je ne suis pas en exil en France. J’ai refusé de demander l’asile politique en 2003, malgré le comportement du régime marocain à mon égard. Je refusai de m’ajouter à la liste des exilés de l’ère de Mohamed VI qui devient de plus en plus longue. L’ère Hassan II revienait petit à petit et je ne voulais ni y participer, ni être précipité en demandant l’asile. De plus je n’ai pas eu de problème pour intégrer la société française grâce à ma formation, culture et mon passé. Aujourd’hui je vis des cotisations que j’ai faites quand je travaillais en france : une allocation de chômage confortable. Je n’ai pas dit que ma situation en France est intenable ! J’ai dit que j’ai des difficultés à trouver un emploi suite à l’injustice que j’ai subi au maroc, et qu’au lieu de garder les mains croisées, je travaille sur un projet personnel, fort probablement au maroc.

 
Question N°7 : Espérez vous une réinsertion, voire une réhabilitation…

La « réinsertion » et la « réhabilitation » sont des procédures réservées aux détenus du droit commun qui font preuve d’une bonne intégration dans la société. Je ne suis pas un détenu du droit commun. Mais si vous insinuez une « réintégration » dans l’armée, des « réparations et dédommagements », une « enquête » transparente pour faire le ménage au sein des armées (air, terre et mer), gendarmerie et garde royales, Tribunal Militaire, Hôpitaux militaires, etc. je dirai pourquoi pas, même si croire au père Noël est plus réaliste que de croire à un tel courage de notre régime.

 
Question N°8 : Avez-vous des enfants et vivent-ils avec vous en France ? Et votre femme ?

Non, je n’ai pas encore d’enfants. Je suis marié depuis un an et demi, et ma femme fait ses stages en france et au maroc.

 

Question N°9 : Vous annoncez dans votre communiqué du 1er septembre votre intention de poursuivre votre pays et quelques personnalités marocaines devant des juridictions internationales. Qu'attendez vous de cette démarche et pouvez vous citer les noms de ces personnalités?

J’attends une reconnaissance de l’état marocain et de son injustice en vers moi. J’attends aussi des enquêtes et des réparations. La liste des concernés est longue. Elle sera publiques une fois les démarches accomplies.

J’ai attendu 10 ans pour qu’une reconnaissance d’erreur de la part du maroc arrive, et que justice soit faite, en vain. Des fois je pense avoir trop attendu, mais il fallait que j’attende un maximum possible. Chose faite aujourd’hui.

Propos recueillis par Noureddine Jouahri
Maroc Hebdo N°804 du 05 au 11 Septembre 2008

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